Le 14 avril dernier, sept ferrailleurs venus d’Egypte en ont eu marre d’attendre leurs salaires. Ils ont pris place au sommet d’une grue de trente mètres, avec vue panoramique sur les fondations de Rive Gauche, le nouveau temple du commerce, qui sort de terre, à Charleroi, et ils y sont restés. « J’ai bien cru qu’ils allaient se jeter dans le vide », commente le représentant syndical Abdel Abid. « Ce sont des hommes et eux, au moins, ils ont touché leurs salaires », sourit timidement Ali Shaaban, ouvrier sans papier, faisant référence aux 108.000 euros déboursés sur le champ par la société momentanée Valens-Duchêne pour faire atterrir les protestataires. Ali vient de la même région d’Egypte que les têtes brûlées montées sur la grue. L’oasis agricole Fayoum, perdue au centre du pays. « Nous sommes venus en Italie au lendemain du printemps arabe, explique-t-il. Il n’y avait pas de travail chez nous, beaucoup de racisme en Italie et c’était mieux à Charleroi, où nous avons commencé à travailler il y a un an. Puis sont très vite venus les problèmes d’argent. Abdel traduit les propos d’Ali et mime de la main sa méfiance à l’égard de la notion de sous-traitance. Les uns incriminent le maître d’ouvrage belge, à tout le moins imprudent. D’autres fusillent du regard la lasagne italienne d’entreprises à l’affût des failles dans le droit social. Ce qui semble évident, à ce stade, c’est que Valens-Duchêne a fait confiance à Consorzio Edile, une firme italienne ayant créé une (sorte de) succursale à l’aéroport de Gosselies pour aider de grands groupements belges à remporter des marchés. La construction de Rive Gauche, à Charleroi, par exemple. Mais aussi l’érection d’un hôpital géant en banlieue de Liège, sur les hauteurs du MontLégia. La manœuvre ? Détacher des travailleurs munis de pièces d’identité italiennes (fictives ?), les exploiter sans nécessairement leur garantir la moindre protection sociale et alléger ainsi la masse salariale du client belge.
Répondre à Les nouveaux esclaves